Propos introductifs

Monsieur le Président, veuillez qu’à nouveau, je vous exprime notre gratitude pour votre visite qui nous honore. Aussi, je ne peux m’empêcher d’exprimer ma satisfaction au sujet de la qualité des relations entre la France et le Bénin. En effet, sans tambour, la coopération entre nos deux pays a connu ces cinq dernières années, un développement sans pareil.

Au plan économique, les appuis financiers publics directs de la France au Bénin avoisinent un demi-milliard d’euros et ont couvert la plupart des domaines d’intérêt prioritaire. Et ce, sur la période 2017-2022, 5 années environ. Sur cette même période, les banques privées françaises sont intervenues dans le financement des investissements publics du Bénin à hauteur d’environ 800 millions d’euros. Avec la garantie BPI, pour la plupart. Ce qui veut dire que même quand le secteur privé est intervenu, l’Etat français a été en soutien. Tout cela, hors marché financier obligataire. En somme, la mobilisation de ressources, d’appuis auprès de la France, aussi bien publics que privés, nous a permis au Bénin de financer ces investissements à un niveau qui a atteint un milliard et demi d’euros. Et dans la même période, les entreprises françaises intervenant au Bénin ont été adjudicataires de marchés publics pour plus d’un milliard d’euros.  C’est dire que les relations économiques entre la France et le Bénin ont atteint ces 5 dernières années un niveau inespéré, jamais approché, soit plus de 10 fois leur volume sur une moyenne quinquennale de ces 30 dernières années. Cela démontre bien combien les relations entre la France et le Bénin sont bonnes.

Il en est de même au plan politique. Si je dois qualifier nos relations sur ces derniers temps, je dirai qu’elles sont décomplexées et débarrassées des pesanteurs du passé. La bonne preuve, ce sont les 26 œuvres que nous venons de visiter ensemble et qui ont été restituées par la France dans une atmosphère de coopération conviviale inespérée. Cela, monsieur le Président, c’est votre mérite, cher ami. Bravo !  

Je veux signaler que dans cette même dynamique de bonne coopération, de développement de la coopération, nous allons bientôt signer, la France et le Bénin, un accord de partenariat stratégique sur la période 2022-2026. Cela va nous faire passer à un autre palier de développement de nos relations et je l’attends de tout intérêt.

Dans ce même élan, vous avez accepté que la France accompagne le Bénin de manière spécifique dans 3 domaines particuliers. Et nous venons de signer un accord, tout à l’heure, concernant deux de ces domaines.

Il s’agit principalement de notre système éducatif. Le Bénin a décidé de mettre l’accent sur la formation technique et professionnelle. Nous attendons de la France et de l’Union européenne un appui important, déjà un peu acquis de la Banque mondiale et de l’AFD qui nous accompagnent, mais nous avons décidé d’aller beaucoup plus loin, de sorte que sur 10 jeunes qui sortiraient du système éducatif quel que soit le niveau, 7 au minimum soient formés aux métiers. Cela demande un investissement important pour les écoles, les lycées, les centres de formation à tous les niveaux. Le dernier sommet Union Européenne-Afrique a vu l’Union Européenne inscrire dans son programme à venir, ce projet du Bénin élargi à la sous-région mais implanté au Bénin, pour un renforcement de la formation technique et professionnelle des jeunes béninois et de la sous-région. Notre souhait est que la France nous appuie auprès de l’Union Européenne pour que cela se concrétise assez vite et que nous puissions également bénéficier de votre appui direct notamment en termes de déploiement de formateurs in situ, ici au Bénin.  Vous avez donné votre accord pour cela, je vous en remercie.

Nous avons évoqué également et convenu avec vous et vos équipes que la France nous appuierait davantage dans notre effort de lutte contre le terrorisme parce qu’aujourd’hui, c’est l’un des défis. Et malheureusement, permettez que je le répète, nous n’avons pas encore obtenu gain de cause auprès des autorités militaires françaises pour une certaine donnée de la coopération notamment la fourniture d’équipements et de matériels militaires. Mais je salue l’engagement de la France à nos côtés en ce qui concerne les renseignements et il y a une bonne coopération entre nos deux pays dans ce domaine, ainsi que ce qui concerne le renforcement des capacités. Mais nos hommes ont beau être bien formés, on a beau avoir les renseignements, on a beau être braves, disposés à être au front, on a besoin d’armements, on a besoin d’équipements, de matériels militaires. Et en cela, nous attendons un effort de votre part. Nous avons les moyens financiers d’acquérir ces équipements mais aujourd’hui avec les tensions qu’il y a dans le monde, acquérir ces équipements devient un peu problématique. Et nous savons que vous avez les moyens de nous les fournir. On l’a exprimé et vous avez pris l’engagement de faire ce qu’il faut pour que nous ayons ces équipements-là. Dans ce domaine également, la coopération est bonne. Elle n’est pas encore aussi bonne que je le souhaitais mais des engagements ont été pris.

En ce qui concerne le deuxième domaine dans lequel nous venons de signer un accord, c’est le domaine culturel.

Tout le monde sait que le domaine culturel et artistique est créateur d’emplois et de richesse, de développement. Notre ambition est de faire de Cotonou la scène culturelle et artistique de la sous-région. Nous sommes en train d’investir actuellement près de 2 milliards d’euros pour créer l’environnement culturel, touristique, artisanal, artistique ; et cela conviendrait parfaitement à une nouvelle expression du rayonnement français dans la sous-région notamment au Bénin, par une coopération entre nos deux pays pour créer le quartier créatif culturel qui comprend l’Institut Français d’une nouvelle envergure, mieux que ce qui est là actuellement, plus ambitieux et comportant également une villa genre Médicis et de résidence pour les artistes ; ainsi que notre projet de musée d’art contemporain. Tout cela, pour faire de Cotonou une scène sur laquelle le rayonnement de notre culture commune s’exprimerait davantage pour créer un autre pôle de développement. Vous avez donné votre accord pour que la France adhère, accompagne ce projet-là, je vous en remercie et j’espère que les engagements seront tenus dans le temps de l’espérance. Sinon, si nous attendons trop longtemps, les énergies vont s’émousser.

Monsieur le Président, pendant nos entretiens en tête-à-tête et lors de la séance de travail entre nos deux délégations, nous avons évoqué les principaux défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui dans le monde : la guerre en Ukraine, la situation au Mali, au Burkina-Faso, la menace sécuritaire dans la sous-région, la cherté de la vie occasionnée successivement par Covid-19 puis la guerre en Ukraine, en ce qui concerne les denrées alimentaires, le carburant et plein d’autres choses. Nous avons une convergence de points de vue sans commentaire. Je veux dire par là que si nos esprits convergent à ce point, il faudrait que nous donnions la preuve dans le domaine des investissements privés français au Bénin. Je veux dire que là où il y a encore des insuffisances, j’attends que nos deux gouvernements, vous et moi, nous fassions ce qu’il faut pour corriger ces insuffisances, c’est bien dans le domaine des investissements privés français au Bénin. Ils sont encore très faibles. Je disais tout à l’heure que c’est environ plus d’un milliard d’euros de marchés publics que les entreprises françaises ont eus dans la période au Bénin, mais ça, ce sont des marchés de prestations. L’idéal est qu’il y ait de l’investissement direct français au Bénin. Avec ce qu’il se passe au Bénin, les réformes, la dynamique en cours, le sérieux qui s’observe aussi bien dans l’administration que le secteur privé, là où il faut être désormais, c’est ici au Bénin, à Cotonou ! C’est ici qu’il faut être, c’est ici qu’il faut investir ! le temps donnera bien la mesure de la certitude de ce que je dis mais les premiers venus seront les mieux servis. C’est pour ça que je voudrais m’adresser également à ceux qui vous ont accompagné, je voudrais que l’investissement privé direct français soit encouragé, promu et accompagné au Bénin parce que l’environnement s’y prête désormais.  

Je voudrais, pour finir, saluer la France, dire au peuple français, aux autorités politiques françaises, à vous-même, cher ami, combien nous sommes satisfaits de la qualité des relations entre la France et le Bénin, combien nous sommes reconnaissants de l’appui de la France au Bénin dans presque tous les domaines, et combien nous espérons que cela va s’intensifier toujours dans un cadre de coopération décomplexée, à la satisfaction des uns et des autres. Votre séjour est très court, vous allez repartir après avoir passé une petite nuit à Cotonou, j’aurais bien voulu vous garder plus longtemps parce que nous avons abordé tellement de sujets et parfois nous les avons abordés un peu trop vite. Ce serait bien que ce genre de rencontre se répète parce que, à vos côtés, il y avait la plupart de vos collaborateurs ainsi que les miens.  Et je crois qu’une telle dynamique, en équipe, est de nature à donner du succès aux actions, aux intentions et aux engagements. Il faut que ça se répète très vite, que ce soit ici ou à Paris, que nos équipes se voient, travaillent ensemble sur tout ce qui a été dit et pour ouvrir d’autres chantiers.

ECHANGES AVEC LA PRESSE :

Philippe Rikart du Journal Le Monde : Vous avez fait part, monsieur Macron, d’une volonté politique d’ouverture de la part de Monsieur Talon. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement, monsieur Talon ? Est-ce que vous envisagez la libération des leaders de l’opposition, je crois qui sont emprisonnés dans le pays ou le retour au Bénin de ceux qui sont en exil ?

C’est le Président Macron qui a parlé d’ouverture. Rires. Evidemment, c’est vrai, nous en avons parlé.

La donne politique est une donne essentielle dans tous les pays du monde y compris les pays en voie de développement ou les pays développés. Sur cette question, la préoccupation des uns et des autres, c’est que le politique ne pollue pas l’économie donc il faut pouvoir aménager la donne politique de sorte que ça donne une bonne image, favorable au développement économique.

Votre question ne me surprend pas parce qu’il semble que notre image soit un peu écorchée par la situation politique que le Bénin a connue ces derniers temps. Moi, je n’en rougis pas du tout parce que, vous savez, quand on vient de loin, il faut être disposé à affronter tous les défis, y compris nos propres travers pour nous développer.

La situation politique dans laquelle le Bénin était, nécessitait des réformes qui ont été engagées. Vous savez, une réforme qui fait plaisir à tout le monde n’est pas une réforme. Une réforme qui marche, qui apporte du nouveau, qui apporte du positif, forcément, enlève des privilèges, peut-être indus, des privilèges tout de même. C’est ce qui fait qu’en cette matière politique, tout ce qui enlève des privilèges ou tente de corriger des acquis, fait toujours l’objet de beaucoup d’histoires, de heurts, de bagarres. Le Bénin l’a connu, malheureusement. Mais une chose est de défendre son opinion, son intérêt politique, sa cause, une autre est d’utiliser ou non des moyens conventionnels ou non répréhensibles pour les défendre parce que les djihadistes qui défendent une cause religieuse, à leur entendement, leur cause est juste, plus que juste même. Servir la cause de Dieu pour celui qui est croyant est au-dessus de tout. Mais même si sa cause lui paraît absolument incontestable, véridique, est-ce que pour autant que tous les moyens sont permis pour défendre cette cause ? Mais non ! c’est pareil en politique. Votre cause peut être juste ou vous pouvez avoir l’impression que votre cause est juste mais vous n’avez pas le droit d’utiliser des moyens répréhensibles, délictuels, criminels pour la défendre. Or, c’est ce qu’il s’est passé au Bénin.

Je conviens avec vous que ce sont des gens qui ont agi dans le champ politique mais les actes qui ont accompagné leurs revendications, si ce sont des actes délictuels, criminels, ces actes doivent être punis. C’est ce qu’il s’est passé. Malheureusement, chaque fois que la presse a l’occasion, pas la presse seule, la classe politique internationale, parfois ça nous revient dessus : quand est-ce que vous allez les libérer ? comme si les actes n’ont jamais été commis parce que, malheureusement, souvent, on peut confondre un acte réellement commis par un acteur politique et une accusation politique.

Ce qu’il s’est passé au Bénin, ce ne sont pas des accusations politiques. C’est réel mais je concède à chacun de croire ce qu’il veut. Libérer des gens qui ont commis des crimes ne relève pas pour moi de l’ouverture. Ça, je peux vous le dire. Mais c’est bien que même les réformes qui sont en cours tiennent compte d’un environnement plus favorable, apaisé pour que les uns et les autres ne se sentent pas exclus à cause des réformes. C’est cela moi j’appelle ouverture et je crois bien que c’est de ça que parle le Président Macron. Il n’en demeure pas moins que les personnes qui sont condamnées, qui sont en détention pour les faits qu’elles ont commis ; les gens qui sont en exil parce qu’ils ne veulent pas rentrer répondre de leurs actes, constituent également des sujets de conversation, d’intérêt. C’est vrai, nous l’avons évoqué avec le Président Macron cette ambiance globale qui pollue un peu l’environnement et nos efforts dans le domaine économique. Je lui ai dit ce que je pensais de la chose. Mais je lui ai dit et je vais vous dire ainsi pareil, pour moi, il n’y a pas de revendication qui tienne la route, qui vaille et qui concerne des gens qui ont commis des délits, des crimes. La manière dont cette question se pose, moi, me pose un problème. Les gilets jaunes en France, leur revendication est d’ordre politique parce qu’ils ne sont pas d’accord avec le choix politique, économique du gouvernant en place. Ils contestent les choix qui sont opérés. Les choix d’une politique fiscale relèvent de la politique. Donc des gens qui les contestent, libre à eux de contester, de trouver que ce qui est proposé n’est pas conforme à la volonté de tout le monde mais pour autant ont-ils le droit de casser, de brûler des pneus, de tuer de blesser des policiers et consorts pour défendre leur cause ? Toutes les fois où les moyens qui sont utilisés pour défendre la cause politique ne sont pas bons, il faut que les gens répondent de ce qu’ils ont fait. Ceux qui ont envahi le Capitole aux Etats-Unis, c’est une cause politique parce qu’ils estiment que les résultats des élections ne sont pas conformes à leurs aspirations, à ce qu’ils pensent être vrai mais est-ce que pour autant ils ont le droit de prendre d’assaut le Capitole et de remettre en cause ce que la loi a établi ? Mais non ! J’aimerais bien vous voir poser cette question au Président Biden et lui demander quand est-ce qu’il va arrêter les procès contre ceux qui sont poursuivis pour avoir envahi le Capitole et je verrai bien si la réponse qu’il va vous donner va vous satisfaire. Je vous donne la même réponse que lui. Il faut répondre de ses actes. Et ça, ceux qui sont en exil et que moi je n’ai pas bannis, - je n’ai pris aucun décret pour bannir quelqu’un. Ils ont décidé de ne pas répondre de leurs actes, ils ont fui leur pays- moi, je voudrais bien qu’ils rentrent se défendre et que la justice les blanchisse. Il n’y a pas de décret qui ait été signé et qui ait envoyé quelqu’un en exil. Par contre, ceux qui sont en prison, il peut arriver qu’un geste soit fait pour gracier des gens, pour amnistier. C’est possible parce que certains délits font parfois l’objet de grâce, d’amnistie autant que les délits qui sont commis dans le champ politique mais au Bénin, il n’y a pas de détenus politiques. Personne n’est détenu pour son opinion politique mais des gens sont détenus pour avoir agi, commis des délits, des crimes dans le champ politique, c’est vrai. Donc, il se pourrait que, dans les temps à venir, en mon temps ou après moi, que des actes de grâce ou d’amnistie soient pris à l’endroit de ces gens-là. C’est possible. Mais sur le principe de la question même, je suis droit dans mes bottes et je voudrais que la dynamique en cours au Bénin continue pour rendre crédible notre pays parce que ce qui nous importe c’est que le pays soit un pays de droit, de démocratie, de liberté et aussi de bonne gouvernance. Et cela, c’est important. Et nous ne lésinerons sur rien du tout pour que tout cela demeure des valeurs qui vont nous distinguer et qui permettront aux entreprises françaises, monsieur le Président, de venir investir au Bénin, créer des emplois, créer de la richesse.

Fiacre VIDJANNAGNI, Pour Jeune Afrique : Président Macron, on vous entend dire vouloir assister à une réunion de l’Initiative d’Accra pour mieux structurer les choses mais tout à l’heure, au cours de l’intervention du Président béninois, on a entendu dire qu’ils avaient les moyens pour acheter du matériel mais qu’ils étaient plutôt bloqués mais qu’est-ce qui bloque ? (le PR intervient après une réponse du président Macron)

Sur l’appui attendu de la France et de l’Union Européenne au profit de l’Initiative d’Accra, c’est-à-dire les 6 pays que sont la Côte-d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, le Niger, le Burkina Faso pour avoir une stratégie commune de lutte contre le terrorisme, c’est moi qui ai rappelé au Président français qu’au titre de cette Initiative, nous avons, les 6 pays, sollicité l’appui de l’Union Européenne et des pays de l’Union Européenne dont la France pour nous accompagner parce que vous le savez, il n’y a pas à se cacher ou à en avoir honte, la lutte contre le terrorisme requiert, aujourd’hui, une coopération internationale, aussi bien pour les renseignements que pour les équipements, pour l’échange des stratégies, des expériences et consorts. Il est difficile de dire aujourd’hui à nous seuls, on peut le régler. Ce n’est pas possible. L’Initiative d’Accra a donc souhaité que l’Union Européenne ainsi que la France puissent nous accompagner mais depuis nous n’avons pas observé de réponses nettes et claires de la part de l’Union Européenne. Je l’ai rappelé au Président français, que cette Initiative est le cadre idéal pour la lutte contre le terrorisme notamment au Sud du Burkina Faso et que les 6 pays concernés attendent toujours une réponse franche, claire et rapide de l’Union Européenne notamment de la France pour que nous puissions nous déployer. C’est vrai que nous n’attendons pas cela parce que nous prenons nos responsabilités nous-mêmes mais ces appuis-là sont, d’une manière ou d’une autre, nécessaires pour l’efficacité de tout ce qui est programmé dans la zone. Et le Président français a donné son accord. Je pense que dans les jours à venir, il notifiera aux uns et aux autres notamment les pays concernés, fera la démarche qu’il faut auprès de l’Union Européenne pour que nous ayons un accord un peu formel pour accompagner les pays concernés dans cette stratégie.

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