Le 23 décembre 2023, le Président Patrice TALON a accordé un entretien exclusif à la presse nationale. Divers sujets de préoccupation nationale et sous-régionale ont été abordés. Nous vous proposons ici la transcription des réponses données par le Chef de l’Etat aux questions des journalistes Serge AYAKA et Marie-Léa YEMADJRO.

Journaliste 1 : Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans cet entretien exclusif avec le chef de l'État. Le président Patrice Talon, qui nous reçoit au Palais de la Marina, un palais qui a fait sa mue, rénovée à la hauteur de la tâche qui s'y mène depuis 2016. Monsieur le Président, bonjour et merci de nous recevoir. 

Président Patrice TALON : Bonjour 

Journaliste 1 : Bonjour Marie-Léa. Très heureux de conduire cet entretien avec vous. 

Journaliste 2 : Bonjour Monsieur le Président. Bonjour Serge Ayaka. Bonjour à tous. 

Intro Journaliste : Dans les prochaines minutes, nous allons faire le tour de l'actualité. Nous allons parler politique avec surtout l'après-Talon bien agité dans le landerneau politique depuis quelques temps. Et à cette allure, une question, le PAG focalise-t-il toujours les attentions ? Nous allons parler de diplomatie, évoquer surtout le Niger, les conflits actuels. Nous allons surfer sur le cœur battant du Bénin d'aujourd'hui et envisager avec Monsieur le Président, l'avenir. 

Question : Monsieur le Président, vous étiez donc devant l'Assemblée nationale le 21 décembre dernier. Au-delà du message que vous avez délivré, pouvez-vous nous dire aujourd'hui, dire au peuple béninois comment va le Bénin ? 

Président Patrice TALON : Je l'ai dit devant la représentation nationale et je l'ai dit avec foi et sincérité. A mon sens, le Bénin va bien. C'est vrai, nous venons de loin. Il y a des raisons bien légitimes d'être impatient, de voir que les choses ne vont pas aussi vite qu'on l'espérait, mais de manière globale, dans tous les secteurs de vie, le Bénin va plutôt bien. 

Et vous avez vanté suffisamment le progrès économique. Mais avez-vous l'impression, Monsieur le Président, que vos concitoyens ressentent ce progrès économique dans leurs assiettes, dans leurs poches ? De toutes les façons, ils sont nombreux, surtout de l'opposition, à penser le contraire de tout ce que vous avez dit. 

Oui ! Parfois, cela m'interpelle et je fais bien souvent aussi, avec la sincérité requise pour ma responsabilité, le bilan du chemin parcouru dans tous les secteurs de vie, que ce soit au plan de la santé, de l'éducation, de la sécurité, de la paix, des libertés, des infrastructures, de nos besoins en général. Mais mon impression, quand je fais le bilan, je le fais au quotidien pratiquement, mon impression est que nous avançons, nous progressons et que le Bénin se révèle à lui-même, s'étonne même parfois des progrès que nous faisons. C'est vrai que la vie humaine est exigeante et c'est d’ailleurs cela qui fait avancer le monde. Ce n'est pas parce que nous avons de routes, d'électricité, d'eau, une offre de santé qui fonctionne bien, une éducation qui fonctionne mieux que nous allons applaudir des deux mains et dire : ça y est ! la vie est belle, tout peut s'arrêter. Le monde n'est pas ainsi fait et c'est heureux que ce soit ainsi. Je comprends et j'approuve les citoyens qui nous mettent la pression pour que les choses aillent encore plus vite et que chacun sente, comme on dit, dans son assiette, que le progrès se ressent partout y compris, comme je le dis, dans sa poche. 

Mais il faut avouer que venant d'où nous sommes partis, la magie est difficile à opérer à une si grande envergure pour satisfaire tout le monde. Et pour ma part, le fait que le pouvoir d'achat des Béninois, de la majorité des Béninois, n'ait pas augmenté, ce qui est vrai parce que malgré nos efforts, bien que les gens travaillent de plus en plus, gagnent parfois même plus, améliorent les revenus, la vie est de plus en plus chère en raison de la conjoncture internationale. Et les denrées que nous produisons ici, même si les prix n'augmentent pas beaucoup, une bonne partie de ce que nous consommons provient de l'extérieur et l'augmentation des revenus n'est pas à la hauteur de l'augmentation du coût de la vie. Donc, c'est légitime que les Béninois affichent que le progrès n'est pas encore à un niveau qui améliore leur pouvoir d'achat. 

Mais je continue de dire, d'affirmer que le Bénin va bien parce que nous ne reculons pas. Nous avançons et nous parvenons à satisfaire l'essentiel de nos besoins, pas à pas, de mieux en mieux. Et je compare le Bénin d'aujourd'hui à celui d'hier, qui était un pays, comme l'ont dit certains, fracassé, un pays de désordre, de corruption où tout manquait. Les quartiers de villes, notamment les villes urbaines, sont inondés à la moindre saison de pluie.
L'assainissement, personne n'en parlait. L'asphaltage, on n'a jamais connu cela au niveau où c’est aujourd'hui. Vous achetez une voiture, il y a dix ans, au bout de quatre ou cinq ans, vous commencez à avoir des pannes parce qu'il n'y a pas de rues, les routes ne sont pas asphaltées. Si ce n'est pas votre crémaillère, ce seront les amortisseurs ou les pneus qui vont être achetés tout le temps. Vous allez consommer deux fois plus de carburant que la norme. Aujourd'hui, c'est des choses qui sont pratiquement derrière nous, notamment dans nos villes. Et ça, c'est un signe de ce que le pays avance tout doucement parce que ces choses-là qu'on a déjà oubliées, sont des acquis intangibles et qui ont fait avancer le Bénin plus qu'on a pu l'espérer. 

Je donne un exemple pour être un peu concret. Vous connaissez Kouandé ? Kouandé était, j'allais dire, la capitale du Nord avant Parakou, avant même Nikki. Mais Kouandé, c’est avec Nikki et aujourd’hui Parakou, le cœur de l'aire Baatonù. Pour aller à Kouandé qui est une commune importante dans notre histoire, la vie du Bénin, il n'y a jamais eu un centimètre de goudron, comme on a l’habitude de dire chez nous. C'est ça le Bénin d'hier. Aujourd'hui, le goudron est en train d'aller à Kouandé. Nikki, il y a eu un semblant de goudron. Cette voie a été badigeonnée et quand vous allez à Nikki aujourd'hui, vous avez l'impression que c'est tout sauf une route bitumée. En ce moment, la reprise est en cours. Ça y est ! Nous démarrons bientôt les travaux. On n'aura plus une seule commune au Bénin que ne soit reliée par le bitume. Ce sont des progrès tangibles. Ça montre bien que le Bénin avance. L’École, tout le monde le constate, fonctionne mieux. La santé fonctionne mieux. Les microcrédits fonctionnent mieux. Le pouvoir d'achat n'a pas augmenté, mais les revenus ont augmenté. La corruption, la pagaille qu'on connaissait jadis, et vous vous souvenez très bien, l'ancien président, il disait avec sincérité qu’on réclame que le Bénin doit préserver sa démocratie telle qu'elle était. Et il a qualifié cette démocratie de démocratie Nescafé. Vous savez ce que ça veut dire démocratie Nescafé ? C’est une démocratie de pagaille, de corruption. Donc le président béninois d'alors qualifiait notre démocratie d'une démocratie de pagaille, d'anarchie et de corruption. Est-ce qu'on n'a pas raison de corriger cela pour que le Bénin ne soit plus un pays de pagaille, de corruption ? 

Effectivement, il y a des domaines dans lesquels le Bénin n'a pas progressé. 

Lesquels ? 

Dans la pagaille, on n'a pas progressé. Dans la corruption, on n'a pas progressé parce que le Bénin est de moins en moins corrompu et la pagaille n'est plus de ce monde. Donc tout ce qui nous caractérisait, à la limite même avec fierté puisque certains s’en contentaient très bien, ce qui nous caractérisait, nous avons essayé de nous en débarrasser, au grand dam de ceux qui en profitaient, parce que les ressources du pays étaient distribuées. Chacun s'en servait à volonté. Et puis après, on se plaisait bien à les distribuer aux parents ou amis et consorts et puis ça y est, on dit l’argent circule. Mais aujourd'hui, l'argent du Bénin n'est plus volé, il n'est plus distribué. Et quand j'entends l'opposition, comme vous venez de le dire, clamer haut et fort que les gens ne mangent pas, l’argent ne circule pas, je veux leur dire que dans un pays qui progresse, dans un pays normal, chacun doit vivre de son travail. Donc il faut qu'on donne du travail à tout le monde. C'est ça que nous nous efforçons de faire ; construire le pays, de sorte qu’il y ait de l'emploi pour tout le monde, que chacun vive de ses efforts et non, que les politiciens volent les ressources du pays et après les distribuent en jouant les mécènes ici et là. 

Et vous savez très bien, quand on nomme un ministre à l'époque, quand on nomme un Directeur Général, il va chez lui, il fait une messe d'action de grâce et on chante. Je ne sais pas chanter, sinon je vous aurais fredonné les refrains Je crois qu’on disait, rappelez-moi, il dit « Je suis dans la joie, une joie immense… » parce que Papa Bonheur m'a nommé. Quand on nomme quelqu’un ministre, tout de suite, il prend dix, 20 ou 30 millions dans les caisses de là où on l’a nommé, il va au village, il fait une grande messe et il distribue l’argent du pays à tout le monde impunément. C'était ça le Bénin. Est-ce que ce Bénin est toujours le même ? Est-ce que ce Bénin progresse ? Est-ce que ce Bénin se débarrasse de ses travers ? Eh Bien oui, nous progressons. Nous travaillons, nous construisons notre pays doucement. Moi, je suis fier de ce que fait le Bénin. 

Vous dites que le Bénin se construit, mais il y a aussi des points d'insatisfaction. Prenons par exemple le PAG. Est ce qu'il évolue comme vous l'auriez voulu ? 

Je dois vous l'avouer, le rythme ne me satisfait pas assez parce que je suis perfectionniste. Je suis impatient dans la vie en général et j'aurais bien voulu que les choses aillent plus vite. Mais, nous venons de si loin que, aller plus vite peut relever de l'utopie. Le Bénin n'est pas si riche que ça. Nous n’avons pas de pétrole. Nous n'avons pas de diamant, pas de forêt que nous vendons, mais nous vivons de nos efforts, de nos économies, de ce que chaque Béninois met dans la caisse de l'Etat. Et aujourd'hui, c'est avec ça que nous parvenons à améliorer nos infrastructures, à satisfaire nos besoins essentiels. Et nous avons connu, le monde a connu la Covid-19, la guerre en Ukraine est en cours. Aujourd'hui, il y a d'autres foyers de tension. Les taux d'intérêt ont augmenté partout dans le monde. Donc, nous sommes dans un environnement plus difficile et tous les pays du monde vivent cet environnement-là. Vous avez vu en Amérique du Sud, la situation en Argentine et autres qui est quand même très difficile. Mais est-ce que le Bénin, dans ce contexte global si difficile, parvient à avancer mieux que les autres ? Parfois, pour savoir si on avance, il faut regarder ce qui se passe derrière soi. Je pense que dans le contexte global, le Bénin fait beaucoup d'efforts. Le Bénin n'est pas dans une situation aussi chaotique que d'autres. C'est ça qui nous permet de dire, le monde va mal, c'est difficile, les conditions de vie sont pénibles et malgré tout, le Bénin parvient tout doucement à tirer son épingle du jeu. Et c'est pour ça que tout le monde nous envie. Ce n’est pas parce que le Bénin est un paradis déjà et que tout le monde vit très bien, tout le monde a le pain quotidien que nous sommes enviés. C'est parce que nous résistons mieux, nous faisons beaucoup plus d'efforts que les autres et nos efforts payent. Et ça se voit, tout le monde le voit. 

Certes, nous n'avons pas encore atteint le plein emploi au Bénin, le pouvoir d'achat n'est pas à un niveau satisfaisant, mais si nous continuons à ce rythme-là, dans les cinq, dix, quinze ou vingt années à venir, nous allons atteindre notre objectif, et il y aura le plein emploi au Bénin. Le pouvoir d'achat sera suffisamment élevé pour satisfaire nos besoins essentiels et nous constaterons, en faisant le bilan, que le Bénin a progressé, que le Bénin va bien, que le Bénin a corrigé ses travers et que ceux qui, aujourd'hui, font la gloire d’un passé qu’ils regrettent, c'est plutôt un passé de chaos et ça, on ne peut pas souhaiter que le Bénin retourne à ce stade-là quand on aime son pays, quand on s'aime soi-même. 

Alors, Monsieur le Président, vous l'avez rappelé, le rythme auquel le PAG avance ne vous convient pas visiblement. Mais dans un contexte de dernier mandat où dans votre équipe, les cœurs battent déjà pour l'après-Talon, est-on encore entièrement dévoué et mobilisé autour du PAG ? 

Je le constate bien. Moi, je n'ai pas l'impression que l'ardeur a baissé et que mes collaborateurs les plus proches font moins d'efforts parce que nous sommes dans la dernière ligne droite. Au contraire, je vois que les gens sont épuisés. C'est vrai parce qu’on leur en demande beaucoup. Le pays leur en demande beaucoup, et moi je suis très exigeant. 

Tout le monde a les yeux rivés déjà un petit peu sur l'avenir du pays et sur 2026. Qu’est-ce qui va se passer et qui vont être les dirigeants de demain ? C'est une question légitime à laquelle tout le monde pense un petit peu. Mais cela, pour autant, n'a pas émoussé l'ardeur de ceux qui sont à la tâche. Moi, j'ai bien le sentiment et c'est ce que je vois, je constate qu’il n'y a pas de faiblissement des efforts qui sont produits par les uns et les autres. En tout cas, tout au moins en ce qui concerne l'administration, les divers responsables au plus haut niveau qui conduisent la mise en œuvre du PAG avec moi. Donc, je veux vous rassurer que la fin du mandat qui s'annonce normale, tout finit bien un jour, n'a pas du tout émoussé l'ardeur des uns et des autres. 

Alors, votre équipe est à la tâche, vous l'assurez. Mais on sent bien dans le landerneau politique qu'il y a de l'échauffement, notamment parmi vos soutiens. Parlons, par exemple, de la tendance à la suscitation de candidatures pour 2026. Dans ce registre-là, on voit particulièrement actifs les soutiens de votre ami Olivier Boko à travers la dynamique au OB26. Alors, cela a, semble-t-il, valu à l'un de vos ministres une démission. 

Vous savez, comme je viens de vous le dire, cela me parait bien légitime qu’il y ait une attention particulière sur 2026, parce que 2026 va arriver même si c'est dans deux ans. Et la vie politique, la compétition politique rythme notre vie au quotidien. Donc l'avenir est rythmé aussi et tout ce qui vient devant est rythmé aussi par les échéances politiques. Donc c'est tout à fait normal. C'est tout à fait évident que certains se dépêchent déjà de s'imaginer quelle va être la bonne succession mais ce n’était pas bien que des responsables politiques de haut niveau, membres du gouvernement, qui ont été acteurs de la réforme du système partisan parce que nous avons tous noté que le système partisan tel qu'il était et le modèle politique dans lequel nous étions, le modèle de compétition politique, ne permettaient pas la bonne gouvernance et occupaient les uns et les autres constamment dans l'arène politique au détriment de la gouvernance du pays ; et nous avons dit également qu’il fallait réduire l'envergure des chapelles politiques pour qu'il y ait plutôt de la cohérence dans l'action de gouvernance de ceux qui accèdent au pouvoir. Aujourd'hui, cette réforme est un succès. Nous avons vu qu'il y a moins de partis politiques et les groupes sont plus homogènes, l'Assemblée nationale aujourd'hui comporte trois partis politiques et si les choses continuent ainsi, nous aurons à l'avenir peut être maximum quatre ou cinq partis au plus au Parlement. 

Et nous avons également la réforme souhaitée et cela a été acté de tous les dispositifs de la réforme, que ce sont les partis qui font la compétition, qui produisent les candidats, qui font la promotion des candidats et qui présentent les candidats, notamment aux élections communales, les élections législatives et qui y compris pour l'élection majeure, il fallait que ce soient les partis qui soient à l'initiative et adoubent les candidats pour qu'il y ait une cohérence entre la gouvernance au niveau central, au niveau législatif et au niveau local, toutes choses indispensables à la bonne marche d'un pays en développement. 

Aujourd’hui, aucun parti politique ne s’est encore lancé dans le choix des candidats, ni le Bloc Républicain, ni l’Union Progressiste, ni les Démocrates, ni la Fcbe encore moins. Personne n’a encore fait ça. Et les organes des partis n’ont pas encore ouvert la compétition en leur sein et comment on peut voir quelqu’un qui a été au cœur de la réforme, notamment le ministre auquel vous faites allusion ignorer son parti politique, ignorer cette réforme, ignorer cette bonne disposition qui, aujourd’hui, gouverne notre pays en en matière politique et commencer à faire la promotion d’un candidat, son candidat à lui, celui qu’il estime peut-être candidat pour lui, pour 2026, au mépris de tout ce que nous sommes en train de bâtir ensemble. C’est bien pour cela que je l’ai rappelé à l’ordre. Mais est-ce que cela n’est pas légitime qu’il faut préserver nos petits acquis qui sont en train de se renforcer ? Pour moi, le moment n’est pas encore arrivé. Les partis n’ont pas encore ouvert la compétition. Laissons-leur le temps d’ouvrir la compétition et ceux qui sont candidats vont faire la course au sein de leurs organes politiques. Mais, il n’y aura pas de candidat au Bénin sans les partis politiques, à l’avenir. Ce sont eux qui vont décider, qui vont adouber les candidats. Leurs élus vont donner les parrainages et il faut souhaiter que ce soit ainsi pour qu’il y ait de l’ordre, pour qu’il y ait de la discipline et pour que le pays fonctionne conformément à une ligne directrice. Il ne faut pas permettre cela. Vous avez parlé de mon ami Olivier BOKO. Moi, je ne sais pas s’il est candidat. 

Il ne vous l'a pas dit ? 

D'abord, le moment n'est pas arrivé. Deuxièmement, je ne suis pas du genre à faire la promotion de ma famille, de mes amis, de mes proches, en matière politique. Ce n'est pas mon genre. Donc, ce ne serait pas ces genres de critères qui vont déterminer mon choix pour la promotion de tel ou tel candidat. C'est pour vous dire que je ne suis pas dans un tel schéma, mais je suis à égale distance de tout le monde. On verra bien qu’est-ce que les partis vont décider demain ou après-demain en ce qui concerne les candidatures qu'ils vont promouvoir en 2026. 

Est-ce si facile pour un président comme vous qui êtes en fin de mandat, de rester vraiment à égale distance de tout le monde ? Est-ce que vous-même, il vous arrive d'avoir une certaine appréhension quant à l'après-TALON ? 

La responsabilité me l’impose, de rester serein à égale distance et de participer au renforcement de ce que nous avons mis en place comme nouvelle dynamique politique. Ce n'est pas évident parce que nous sommes des humains. Nous avons nos sentiments, notre affection personnelle qui sont des choses qu'il faut parvenir à étouffer quand on assume des responsabilités comme la mienne. Et ça, je sais le faire. C’est pour cela que je ne serai pas inactif. Je serai actif parce que je suis un citoyen béninois. Je veux que mon pays progresse et avance. Je ne vais pas dire après moi le chaos. Je serai donc actif pour que la suite soit dans l'idéal que nous sommes en train de bâtir ensemble. Et les Béninois aussi, comme vous, voudront, bien que le pays continue de progresser, n'est-ce pas ? 

Nous serons tous actifs pour que la suite se passe sinon mieux que ce qu'on voit aujourd'hui. Mon souhait est que le Bénin progresse et que demain soit meilleur à aujourd'hui et qu'on constate tous que le meilleur est à venir. Ma foi, c'est cela, pour le Bénin, le meilleur reste à venir. Voilà. Donc je n'ai pas beaucoup d’appréhension. Je crois que le Bénin a une âme, que le Bénin va bien maintenant et qu'il ira de plus en plus bien ou mieux et que la suite sera encore meilleure par rapport à ce qui se passe aujourd'hui. Donc je n'ai pas d'appréhension, c'est certain, et nous allons tous œuvrer pour cela. 

Alors mais comment pouvez-vous être certain, Monsieur le Président, que votre successeur n’aura pas seulement le sens théorique des choses, mais aussi le sens pratique, le sens des résultats comme vous. Comment vous assurez qu'il soit tout autant motivé que vous ? 

Pourquoi même pas plus ? Moi, quand j'arrivais dans la fonction en 2016, peu de gens croyaient que je serais en mesure d'impulser tant d'énergie parce que le Bénin est riche par ses talents, par son engagement des uns et des autres, par la volonté des uns et des autres. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas progressé pendant 60 ans à ce rythme-là que les Béninois n'ont pas le potentiel. C’est parce qu'il fallait un déclic. Je crois que j'ai été celui qui a simplement allumé le moteur. Ce que nous faisons relève aujourd'hui de la prise de responsabilité, de la conscience que chacun a prise et chacun donne le meilleur de lui-même dans son domaine. Il n'y a pas de raison que cela ne continue. Donc je ne peux pas dire que celui qui me succèdera a peu de chance de faire autant que moi en matière d'engagement, de volonté, de responsabilité. Je pense même que ce sera mieux parce que j'ai donné un exemple en montrant combien je mets le cœur à la tâche. Et celui qui viendra voudra faire autant que moi, plus que moi. Et nous veillerons à ce que celui que nous allons promouvoir et que le peuple va choisir, que celui-là soit le plus indiqué possible en cette matière de volonté, de capacité, d'engagement, de compétence et d'amour pour le pays, de volonté. Et c'est pour ça que moi, je vous dis plutôt le meilleur est à venir. 

Oui, je voudrais bien, Monsieur le Président, vous dites que cette personne-là sera choisie et qu'il faudra vraiment faire ce choix en tenant compte d'un certain nombre de critères qui lui permettraient peut-être d'aller au-delà de ce que vous avez fait. Mais à partir de quand ce choix sera-t-il fait ? Quand les partis politiques pourront effectivement lancer des appels pour les candidatures selon vous ? Un an ? deux ans ? 

Le rythme politique, malheureusement, n'est pas toujours compatible avec le rythme de la bonne gouvernance et de la satisfaction des obligations de ceux qui sont encore en place. C'est bien pour ça que certains ont commencé trop tôt. Donc, est-ce qu'il faut que les choses commencent dès maintenant ? Je pense que non, parce qu'après, cela va capter l'attention des uns et des autres. 

Je pense que les partis politiques vont avoir des discussions de coulisses, c'est certain, à partir peut-être d'ici 1 an à 1 an et demi. Mais la fièvre politique même, ce sera peut-être six mois avant. Et je ne pense pas que des choses fondamentales, majeures, se décideront au sein des partis politiques plus de six mois avant l'échéance. Et d'ailleurs, vous savez, les acteurs politiques aussi n'aiment pas beaucoup cela. La compétition, pour moi, va commencer au sein des partis politiques, les débats et les discussions vont commencer, peut-être six mois avant. Ce serait une bonne période. 

Toujours au titre de la politique intérieure. Monsieur le Président, vous avez eu récemment des échanges avec le parti d'opposition Les Démocrates. C'était le 27 novembre dernier (2023). Au-delà du point d'accord sur l'audit et de la liste électorale, quelques jours d'assises pour l'avenir, comme le demande ce parti, ne seraient-ils vraiment pas les bienvenus ou pensez-vous que c'est du temps perdu, Monsieur le Président ? 

Moi, je n'ai pas compris ce que les démocrates appellent assises. Ils ont des préoccupations et parce qu’eux ils en ont, ils pensent qu'il faut arrêter le pays, il faut que tout le monde aille s'asseoir sous l'arbre à palabres pour échanger sur des sujets qui, pour moi, ne présentent pas d'intérêt particulier. Le pays n'est pas en crise, il n'y a pas de crise sociale, pas de crise politique. La démocratie fonctionne de mieux en mieux. Je ne sais pas ce qu’ils mettent dans assises nationales. Moi, je ne sais pas ce que veulent les partis. Ils ont évoqué deux problèmes. Vous avez suivi l'entretien avec les démocrates. Ils ont évoqué la nécessité d'auditer la liste électorale pour donner l'assurance à tout le monde que la liste est normale, convenable et qu'il n'y a pas de tripatouillage. J’ai donné mon accord. Est-ce qu'il fallait des assises pour que l'on donne satisfaction à une telle demande ? J'ai même dit que l'Etat financerait le coût de cet audit, des corrections nécessaires. Et ils ont la main aujourd'hui pour trouver les experts qu'il faut pour auditer la liste librement, à la charge de l’Etat sauf s'ils décident de financer eux-mêmes. Ce serait bien.  Le Bénin les remercierait. Quel est l'autre sujet qui constitue une crise ou l'intérêt d'une assise nationale ? Sauf à souhaiter que l'on se rassemble, qu'on se taquine comme on a pu l'observer. Je vais dire « Monsieur le Président, vous avez entendu, il me dira lors des audiences, je n'ai pas entendu », ça va amuser nos concitoyens. On ne va pas faire les assises pour cela. Soyons sérieux. Et j'estime qu'il n'y a pas de crise, il n'y a pas de problème qui nécessiterait que nous rentrions dans une telle démarche destinée en général, de manière grave et sérieuse, à rassembler les citoyens autour d'une situation qui mérite qu'il y ait une pause et qu'on discute. Ce n’est pas le cas ? 

À l'occasion de ces échanges, on vous a vu opposer un refus à la demande d'amnistie en faveur d'acteurs politiques en prison ou se considérant comme exilés. Un NON de principe que certains ont du mal à comprendre et rappellent que vous-même, Monsieur le Président, vous aviez bénéficié du pardon de votre prédécesseur il y a quelques années. Qu’en dites-vous ? 

Cela m'amuse. La chute de votre question m'amuse beaucoup parce que j'ai entendu dire ici et là Patrice Talon lui-même a bénéficié du pardon de son prédécesseur et aujourd'hui, il refuse de pardonner à des exilés politiques, à des condamnés politiques. Vous voulez vraiment savoir ? Il est important que les Béninois, le peuple béninois sachent ce qui se passe parfois au sommet de l'Etat, au niveau des responsables à qui ils confient, pour un temps, leur destin commun. 

Je vais demander à mon aîné, au président YAYI Boni, mon prédécesseur, d'accepter que nous ayons des discussions, on va faire ce qu'on appelle en fon « Atchakpodji », sous l’arbre à palabre. Et on va s'asseoir avec certains, puis on va parler. On va faire l'histoire, rappeler les faits qui se sont passés à cette époque, notamment entre lui et moi, mais qui ne sont pas des choses qui concernent vraiment le Bénin parce que ça a été un conflit entre deux personnes. 

Je l'ai rappelé un peu. En 2006, j'ai été ami et le soutien du président Boni Yayi et après on ne s’est pas entendu sur la façon dont le pays fonctionnait, sur la gouvernance du pays et sur la projection politique. Et cela a tellement abîmé nos relations que cela a été l'occasion d'une tragi-comédie avec deux hommes, mais qui a amusé et inquiété le pays. Dieu merci, les choses ne sont pas allées plus loin que ce théâtre qu'il y a eu. Donc je vais vous le dire, moi, personne ne m'a pardonné, de rien du tout. Il y a eu, vous savez, une procédure judiciaire ici contre moi, notamment en ce qui concerne les accusations dont j'ai été l'objet, une fois que je suis parti du pays. Je suis parti du pays parce - je veux ouvrir une brèche, une brèche dans l'histoire, en attendant cette solution de l’arbre à palabre où on va mettre tout ça sur la place publique, devant nos concitoyens pour que les gens comprennent- qu’il y a eu une conférence de presse d’un certain maître Agbo un 8 septembre 2012 je crois bien. Et Maître Agbo aurait dit, parce que je n'ai pas suivi la conférence de presse, j’étais à un dîner, c'était jour anniversaire d'un ami qui m'a invité à un dîner et j'ai appris plus tard qu’à cette conférence de presse, il aurait dit, ce monsieur, que le président Yayi Boni passerait sur les cadavres des Béninois pour un troisième mandat ou pour continuer ce qui se fait et que le pays allait très mal et qu'il fallait qu’au moment opportun, le régime plie ses bagages et que l'on chante autre chose. Et le président d'alors a dit ou a compris ou a décrété ou a imaginé que je suis à la base de cette conférence de presse, que c'est moi qui aurais commandité cette conférence de presse. Le lendemain, il était à Abuja, je vais vous le dire, et a instruit les Services d'Etat, de défense et de sécurité, et pas la Justice d'aller me chercher. Quelqu'un parmi ceux qui ont été instruits, m'a appelé et m'a dit « Monsieur Talon, nous savons que vous êtes de nature casse-cou, téméraire, mais cette fois-ci, c’est sérieux. Nous avons été instruits pour aller vous chercher par tous les moyens, quittez le pays, et ne soyez pas suicidaire ». J'ai informé mon épouse et j'ai dit « Moi, je ne suis pas un fuyard, je vais voir ce qui va se passer ». Mon épouse m’a dit : « Patrice, Debout, hors du pays, tu feras le combat, mais sous terre, non. Alors tu ne feras pas le con ». Parfois, quand certaines personnes parlent, me donnent des recommandations, je suis docile, comme on dit. Je suis parti. Et puis s’en est suivi tout ce que vous savez. Tentative de coup d'état, d'assassinat, d'empoisonnement, et tout le reste. Je vous passe des détails parce qu'on va en parler le jour du « Atchakpodji ». 

Vous y tenez visiblement… 

J'y tiens parce que c'est bon que les Béninois sachent ce qu’il s’est passé et que la nation soit au fait des détails de cette comédie qui continue d'ailleurs de polluer l'atmosphère. La justice de mon pays a dit un non-lieu et que tout ce dont j’ai été accusé n’a jamais existé. Même si les juges à l'époque qui étaient quand même sous ordre ont cherché, par tous les moyens, à prouver que Talon a eu l'intention, a voulu faire, mais en fin de compte, ça ne s'est pas passé, il n’a pas fait. Bref, il y a eu un non-lieu. Je n’ai été reconnu coupable de rien du tout. En France, pareil. Mais comme j'étais actif politiquement, mon prédécesseur, le Président Boni YAYI, a souhaité qu'on fasse la paix. Ce n'est pas moi qui ai sollicité une paix, la réconciliation entre deux hommes ; bien que je sois un homme de paix, de réconciliation. Mais l'initiative ne venait pas de moi. L’ancien Président du Sénégal, le président Diouf qui était Secrétaire général de la Francophonie, a été appelé. On lui a dit que j'étais à Paris, de m'appeler et de me demander qu'il faut qu'il y ait la paix entre mon aîné et moi. Mais qui refuse de faire la paix ? Je suis allé à la convocation du président Abdou Diouf et il m'a dit : « Jeune homme, il faut que tu fasses la paix avec ton aîné ». Et je lui ai dit, moi, je veux bien, je n’ai jamais fait la guerre à personne et c'est cela qui a donné lieu à des échanges du genre. Et puis, en Afrique, quand on vous dit, même si tu n’as rien fait à quelqu'un, demande pardon, demande excuse de tout ce qu’il y a eu. Je n’ai rien fait à personne, je n’ai été condamné pour rien, je ne suis accusé de rien. Je n'ai pas à demander quoi que ce soit. Mais in fine, c'est faire preuve de rancœur que de ne pas dire à son protagoniste « Ecoute, si j'ai pu t’offenser, si j’ai pu te faire du tort en quoi que ce soit, alors je le regrette ». C'est une forme élégante de dire je suis prêt pour la paix sans dire je ne suis coupable de rien parce que vous savez, vous pouvez offenser quelqu’un juste parce que vous êtes une embûche, un obstacle à ses ambitions, ou bien la personne a pensé que vous l'avez méprisée. Donc quand on veut faire la paix, vraiment, c'est une formule consacrée. Et comme vous êtes de la presse, allez chercher les documents qui ont été publiés à l'époque par lequel Talon aurait dit on fait la paix et lisez ce qui a été dit. Vous allez voir ce qui a été dit. Je n'oublie pas ces choses-là. Et j’ai dit « si j'ai pu vous faire du tort ou du mal de quelque manière que ce soit, alors je regrette. » 

Mais, il fut un ami, un aîné, le président de mon pays. Donc moi, je n'ai jamais demandé que Boni Yayi me pardonne de quoi que ce soit. Il ne m'a pardonné de rien du tout parce que je ne suis condamné de rien du tout. Alors comment on peut faire l'amalgame entre ce théâtre qui est né d'un conflit entre deux personnes avec une situation grave dans le pays dans lequel nous sommes où des gens ont commis des crimes, des détournements et engagé des tueurs à gages pour tuer des gens, pour engendrer une insurrection dans le pays afin que les élections n'aient pas lieu ? Et puis les gens ont été condamnés et on me demande de les amnistier. Ce n’est pas amnistier une personne. Peut-être que les Béninois ne savent pas exactement le contenu de ce que demandent Les Démocrates. Ce qu'ils demandent, d'ailleurs, pour moi ça manque de sincérité. Ils demandent quelque chose qui n’est pas possible techniquement. 

Voilà Réckya MADOUGOU a été condamnée parce qu’elle a commandité l'assassinat de l'ancien maire de Parakou et ses complices ont été arrêtés, sont passés aux aveux. On a vu les traces des échanges par lesquels les gens ont été payés, mandatés pour commettre un assassinat commandité par une femme. Et la justice est allée à son terme, et la personne a été condamnée. 

D'autres personnes ont été condamnées pour trafic de drogue, d'autres ont été condamnées pour détournement de fonds publics et certains sont partis du pays. Ils n'ont pas répondu à la justice et on me dit, il faut amnistier tout ce monde-là, chacun en ce qu'il a fait. Donc on va amnistier à Réckya MADOUGOU pour avoir commandité l'assassinat de gens, et créer une insurrection dans le pays. On va amnistier Monsieur tant pour trafic de drogue ou amnistier telle personne pour détournement de fonds publics. Donc on va sélectionner certains délits commis dans des champs différents et on va mettre tout ça, on va les sélectionner par tête de client, comme on dit, pour dire tout ce monde-là, on les amnistie. Et les autres, les autres 15 000 Béninois qui ont commis des délits moins graves ou de même nature, qui sont en prison. On les laisse et on sélectionne comme ça Pierre, Paul, Jacques, Fatouma et consorts et puis on dit ceux-là : « Eh bien, tous ceux-là, il faut les amnistier. Dans quel pays ça se passe ? On peut amnistier pour un événement particulier, un fait particulier, comme on l'a fait en 2019. Il y a eu une situation grave, tous ceux qui ont été impliqués ont été amnistiés. Moi, je veux bien que techniquement, on me demande, Monsieur le Président, il faut amnistier toutes les personnes qui ont été coupables ou impliquées dans un événement, dans un fait particulier qui a été une crise au Bénin comme en 2019 et on peut décider de le faire. Mais comment on peut ne pas être dans cette démarche et dire que pourvu que la personne ait été politique, ait été l'ami d'un politicien, ait été le parent ou la copine, ou la maîtresse d’un politique, quel que soit le délit pour lequel la personne a été condamnée, il faut l'amnistier. Techniquement, ce n'est même pas possible. Même au Parlement, si même le Parlement a été à 100 % Démocrate, écoutez-moi bien, si le parlement était 100 % Démocrate, une telle loi ne peut pas être votée. C'est impossible. On ne peut pas choisir comme ça, sélectionner dix, 20, 30 personnes dans le pays et dire ceux-là, on les amnistie de tout ce qu'ils ont fait. Ce n’est pas possible. Voilà donc un peu ce qu’on demande. C'est une demande folklorique, c'est une demande politicienne. Et ceux qui sont avisés savent très bien que c'est n'est pas possible de donner une suite à une telle demande, et puis on fait l'amalgame. On dit que Talon refuse de pardonner. Moi je ne gouverne pas avec l’affect, l’affect, nous sommes tous dotés de cela. Je gouverne avec la responsabilité, la raison que les citoyens béninois attendent de tous leurs responsables. Gouverner avec la raison, avec le sens des responsabilités qu'il faut, ne pas mettre le pays à feu et à sang parce que tel serait mon parent, un ami, un partisan. Ce n’est pas ce que les Béninois attendent d’un homme, de quelqu’un comme moi. Je vous l’ai dit la dernière fois, il y a des décisions que je prends, et qui me font beaucoup de peine, qui me donnent la peine au cœur, mais que je prends parce que c'est l'intérêt du pays. Et c'est pour ça que je suis accusé de tout mais j'encaisse. J'encaisse parce que celui qui ne veut pas être vu comme ça, ne peut pas être un bon Chef. 

C'est peut-être cela aussi l'acceptation de la charge que vous avez depuis quelque temps. Une chose est certaine, c'est que le refus à cette demande d'amnistie, vous ne revenez pas là-dessus, Monsieur le Président. 

Je ne veux même pas vous dire que je refuse. D’abord, ce n'est pas moi qui vote la loi d’amnistie. Deuxièmement, une telle demande ne peut pas prospérer. Quand bien même je le voudrais, ce serait impossible. 

Il y a la grâce présidentielle ! 

Alors je vais gracier qui, selon vous, si vous m’avez compris ? Réckya MADOUGOU ? Ça s'arrête là. Donc, il n'y a pas lieu de gracier AÏVO ? Il n'y a pas lieu de gracier AJAVON. Il n'y a pas lieu de gracier Léhady SOGLO ? Tous ceux qui ont une casquette, il faut les gracier, quel que soit ce qu’ils ont fait. Ceux qui sont condamnés, je ne peux gracier que les gens qui sont condamnés. Quelle est la demande réelle ? Si c'était vous, madame, dites-moi, qui voulez-vous que je gracie ? Si c'est une personne, d'accord ! Mais ils disent que c’est pour des personnes ciblées. Eux-mêmes, ils sont dans leur piège. Pourquoi demandent-ils la grâce pour une personne et pas pour d'autres de leur parti politique qui sont concernés ? Donc ils ne peuvent pas demander la grâce ou l'amnistie pour une seule personne. Et on va dire : Ah bon, ce parti est au service d'une seule personne et pas les autres ? Alors je vous pose la question si vous voulez défendre la cause des démocrates, vous me demanderiez de gracier qui ? Une, deux, ce sera trois, ce sera dix. Combien de personnes ? 

Je n'ai pas compris la question. Moi je n'ai pas compris et je souhaite que vous m'éclairiez. Vous avez la science de lire à travers les questions, les vraies intentions qu'il y a derrière. Je ne sais même pas quelle est la demande qu’on m’adresse, parce qu’il y a quelque chose qu’on dit publiquement, mais derrière, quand on veut exprimer réellement ce qu'on veut, on constate que c'est ce que vous demandez et comment cela est-il possible ? 

Monsieur le Président, autre sujet soulevé par l'opposition mais aussi par certains de vos concitoyens, c'est le dispositif de contre-mobilité érigé par la douane à nos frontières, surtout les frontières ouest pour le moment, en attendant peut-être, on ne le sait pas encore une extension. Mais n'est-ce pas préjudiciable, Monsieur le Président, aux principes constitutionnels du libéralisme économique et de la libre circulation des personnes et des biens ? 

Là, je ne vous comprends pas. Nous avons érigé des infrastructures de contre-mobilité aux sorties anarchiques des frontières du Bénin. En quoi cela est contraire à la libre circulation des personnes et des biens ? Tous les pays du monde contrôlent leurs frontières. Vous savez, la Belgique et la France sont deux pays voisins. Ils sont membres de l'Union européenne. Ils ont une intégration régionale aboutie où il y a une véritable circulation des personnes et des biens. Malgré cela, les voies qui relient la Belgique et la France sont des voies connues. Si vous y allez, vous verrez qu’il y a des postes de police, de douane, même s’ils n’arrêtent personne, mais ils sont là. Le jour où il y a un problème, on sait ce qui s'est passé, on peut fermer et faire des contrôles et consorts. 

Donc tous les pays ont une idée très claire des voies par lesquelles on quitte un territoire pour aller dans un autre territoire, même s’il y a libre échange entre les pays. Au Bénin, chacun se lève et ouvre la voie qu'il veut. Il y a des centaines de milliers de voies qui relient le Bénin avec le Togo, le Nigeria. Heureusement, au Niger, il y a le fleuve. Le Burkina. Il y a des milliers de voies de sorte que rien ne tient. Alors nous avons dit il faut fermer ces voies et avoir les voies dédiées entre le Bénin et le Togo. S'il faut dix voies dédiées, s'il faut 20, s'il faut cinq voies dédiées, nous discutons avec les maires, les responsables à divers niveaux, pour dire : « Dans cette localité, quelles sont les voies qu'on va dédier à la circulation entre le Togo et le Bénin ? ». Nous avons choisi, avec les élus locaux, les voies qui doivent être dédiées aux échanges entre le Bénin et le Togo. Bientôt le Bénin-Nigeria, le Bénin et le Burkina. Le reste, qui ne sont pas donc des voies recensées comme voies dédiées, il faut les fermer. 

Donc nous cherchons les moyens de bord que nous avons pour fermer ces voies qui ne sont pas reconnues comme étant les voies officielles de circulation entre le Bénin et les pays voisins. C'est tout ce qui est en train d'être fait. J’ai dit tout à l’heure une chose, le Bénin ne sera plus un pays de démocratie Nescafé, ne sera plus un pays de pagaille. C'est parce que nous avons laissé prospérer ce genre de choses que Boni Yayi même dénonçait à l’époque, qu’aujourd’hui le fait de dire que c’est de l’anarchie, on ne peut pas continuer, on dit ah non, pourquoi ? Ces Démocrates d'ailleurs qui se font le défenseur du retour à l'anarchie ne peuvent pas formellement nous dire de laisser n'importe qui ouvrir n'importe quelle voie entre le Bénin et le Togo. S'ils disent ça, alors, ils seront disqualifiés pour être députés, maires pour aspirer à la fonction de Président de la République parce qu’on ne peut pas promouvoir l’anarchie en tant que responsable dans un pays, c'est pas possible. 

Alors, lorsque vous décidez, Monsieur le Président, d'encadrer un secteur et donc d'y mener des réformes, et que cela débouche sur la rétention, par exemple des matières premières à transformer sur place, certains croient à tort ou à raison, que c'est pour des intérêts personnels. Est-ce, selon vous, une incompréhension de vos ambitions pour le Bénin ou leurs difficultés à s'adapter aux nouvelles pratiques et à maîtriser le circuit autour de ces produits ? 

On va parler sans langue de bois. Patrice TALON était un opérateur économique, un acteur de la filière coton. Je ne le suis plus. Ce sont mes héritiers qui ont pris le relais de ce que je faisais jadis. Vous savez que le coton, ça fait peut-être 30 ans ou 40 ans qu’il est interdit au Bénin de sortir le coton, la matière première coton du territoire parce qu'à l'époque, le Bénin a fait le choix de commercer son industrialisation par le coton, qui était la production de rente la plus importante, jusqu’aujourd'hui d'ailleurs. 

L'état du Bénin avait construit des usines et quand la production a commencé à exploser, l'Etat a demandé à des privés de venir investir au Bénin pour construire des usines d’égrenage, pour commencer la première phase de notre industrialisation. Beaucoup de gens se sont intéressés à cela. C'est à ce titre que Patrice Talon est devenu un égreneur privé parce que l'Etat a dit de venir au secteur, parce que l'Etat n'a pas les moyens de le faire tout seul. L'Etat n'est pas qualifié pour le faire. Si personne ne le fait, l'Etat sera obligé de le faire. Et l'Etat a dit à l'époque, -je n'étais pas président-, je n’étais pas du tout même proche du pouvoir politique. Et en ce moment déjà, il a été dit haut et fort que la sortie du coton graine du territoire est interdite. Et c'est à ce titre-là qu'on a demandé aux privés de venir s’installer et qu’ils auront accès à la matière première ; venir construire des usines au Bénin et vous aurez accès à la manière première, l'Etat va vous permettre d'acheter le coton graine qui ne sortira pas du territoire national. C'est donc une politique normale, ancienne et qui ne date pas d'aujourd'hui. Tous les pays du monde qui veulent transformer leurs matières premières décident d'investir par l'Etat ou par le secteur privé pour faire la promotion. 

Comment voulez-vous que nos paysans produisent du coton graine, produisent du soja, produisent du riz, produisent de l’acajou et qu’une fois ces produits disponibles, ils partent du territoire dans les emballages pour aller nourrir les industries des autres pays du monde et créer de l’emploi dans ces pays et leurs enfants ici sont au chômage ? 

Ce qu'il faut noter, ce n’est pas que le fait de vendre les matières premières à des exportateurs qui leur donne tellement de richesses, tellement d'argent qu'ils parviennent à nourrir leurs enfants, à les marier, à s'occuper des petits-enfants, à leur acheter une maison à chacun. Si rien que le fait de vendre les produits permettaient à ceux qui ont produit d'entretenir toute la famille, les générations successives, je peux dire que les enfants vont croiser les bras en disant, mais il y a tellement d'argent à gagner qu'on va se partager, encore que ce n’est pas une bonne chose d'ailleurs. Donc, l'effort de ceux d'entre nous qui produisent des matières premières, cet effort a son prolongement dans l'intérêt général, dans leur propre intérêt, par leur transformation pour créer de l'emploi pour leurs enfants, pour que ces derniers vivent de ce qu'ils ont fait, pour que leurs efforts entraînent d’autres intérêts et que ça crée du transport, de la manutention, des usines et que le pays se développe tout doucement à partir des efforts des uns et des autres. 

Un pays est une chaîne et chaque maillon, il est important de l'accrocher à d'autres maillons. Le Vietnam, par exemple, qui est premier producteur de produits transformés de cajou, a une politique d'incitation. Les noix de cajou de toute l'Afrique vont au Vietnam et ils ont des milliers d'emplois dans l'industrie de transformation du cajou. Leurs enfants ont du travail à partir des noix de cajou qui sont produites par nos parents ici. Est-ce une mauvaise chose de dire que nous allons tout faire pour que des industries s'installent au Bénin pour transformer les noix de cajou également pour que notre noix de cajou produise des emplois ? Les Béninois, à raison, nous reprochent de ne pas créer autant d'emplois. Mais comment on crée des emplois ? C'est comme ça qu'on crée des emplois. La politique crée des emplois par les dispositions qui permettent la création d'emplois. C'est mon rôle, c'est le rôle de l'Etat. Est-ce que j'ai tort de souhaiter que nos matières premières soient les maillons d'une grande chaîne de services de transformation, d’industrialisation qui fera que demain, il y aura le plein emploi au Bénin ? C'est pour cela que nous avons dit que ce soit pour le soja ou autres, nous allons faire la promotion d'une industrie au Bénin, de sorte que ce soient 10.000 20.000, 30.000, 40.000, 100.000 personnes voire 1 million de personnes, des millions de personnes qui auront un emploi à partir des efforts que font certains à la base. C'est cela, travailler pour un pays, construire un pays, c’est cela gouverner un pays. Donc moi, je ne fais pas attention à ceux qui veulent que le Bénin reste un pays éternellement pauvre. Ceux qui veulent que le pays soit un pays de fraude, de corruption, de pagaille, de démocratie Nescafé, et qu’après, on se contente de dire le peu que le pays produit, on prend pour distribuer aux gens, on fait des messes. Et puis le pays vit de mendicité et le pays ne se développe pas. Le Bénin va se développer parce que c'est ça la méthode. Nous n’inventons rien. Moi, je ne suis pas un génie, je n'ai rien inventé, mais c'est ce que les autres ont fait pour développer leur pays. On va faire pareil pour développer le nôtre. 

Monsieur le Président, l'actualité, ce n'est pas seulement au plan intérieur. Elle est aussi marquée par un sujet géopolitique sous-régional. Le Niger, notre voisin qui a connu un coup d'État. C'était le 26 juillet dernier. Lequel a fait réagir vivement la communauté internationale, et en particulier la CEDEAO. Et là, parlant justement de la CEDEAO, on a vu le Bénin au premier rang. Ce que certains de vos concitoyens n'ont pas compris. Alors franchement, monsieur le Président, qu'est-ce qui a motivé votre position à l'époque ? Est-elle toujours alignée sur celle de la CEDEAO ? 

Vous savez, les autorités actuelles du Mali sont arrivées par un coup d'État. Vous savez aussi qu’elles ont adopté une nouvelle Constitution. Cela a été revu. Et dans cette nouvelle Constitution approuvée, adoptée par les nouvelles autorités maliennes, le coup d'État est interdit. C’est un crime imprescriptible. C'est-à-dire si vous faites un coup d'Etat au Mali, 50 ans après, vous allez en répondre. On ne peut ni amnistier ni gracier les auteurs parce que, tel qu'ils l'ont formulé, ils sont arrivés par un coup d'Etat mais ils reconnaissent que le coup d'Etat est un crime, c’est mauvais pour le pays. Ils le reconnaissent eux-mêmes. Est-ce que dans ces conditions, pendant que les nouvelles autorités maliennes ont dit : bien que nous soyons arrivées par un coup d'Etat, nous disons qu'il ne faut plus jamais que le Mali connaisse un coup d'État, est-ce que pendant ce même moment qu’ils disent ça, qu'il y a coup d'Etat au Niger, les Maliens peuvent dire bon chez nous, c'est interdit, c'est un crime, on dit plus jamais, mais au Niger, on applaudit. Est-ce que le Bénin, dans cette même ambiance, dans ce même environnement dira : « c'est vrai, nous reconnaissons tous que ce n'est pas bon, que ça fait deux ou trois fois, c'est très grave et très dangereux, mais que pour le Niger, bon, ce n'est pas grave, on applaudit en espérant que ce soit le dernier ». Pourquoi il n’y aurait pas de coup d’Etat au Bénin, au Togo, en Côte-d’Ivoire, au Sénégal ? Pourquoi pas si nous applaudissons chaque fois qu'il y a un coup d'État en disant espérons que ce soit le dernier, est-ce que c'est responsable ? C'est pour ça que la CEDEAO a dit « Trop, c'est trop ». Notre attitude peut être une promotion de coup d'État. Le fait, chaque fois de dire ce n'est pas bien, c'est dommage, c'est pas bien, bon mais c'est pas grave, on continue, c'est une façon de promouvoir les coups d'État. On ne peut pas être responsable et dire que notre cœur nous recommande de ne pas sanctionner, de ne pas réprimander ceux qui ont fait des fautes parce que nous avons de la peine à réprimander, à condamner. Nous avons de la peine à dire « on sanctionne » mais ne pas le faire est une faute parce que vous faites la promotion du péché, la promotion du crime. Parfois on n'a pas le choix. 

L'attitude de la CEDEAO face au Niger, on n'avait plus le choix parce que c'est devenu quelque chose de récurrent. Nous avons décidé d'aller le plus loin possible pour dire « plus jamais ça. » Le plus loin possible, c’est dire que si quelqu'un le fait, voilà ce que nous allons faire. Parce que si vous dites ne plus jamais le faire, et que vous ne faites rien, ce ne sont que des mots. Alors, quel est le moyen par lequel nous voulons vraiment dissuader les coups d'État ? Ce moyen, nous nous sommes dit « cette fois-ci, on va le montrer ». Bien que le Niger soit le pays siamois du Bénin, pays frère du Bénin, il était impératif que nous disions, sans tenir compte du fait que c'est Pierre qui a raison, Paul a raison, qui est le meilleur. Moi, je ne sais pas si les prochains dirigeants du Niger seront meilleurs que ceux d'hier. Je ne présume pas de cela. Et ce n'est pas le fait que Bazoum soit un ami que je dis qu'il ne doit pas quitter le pouvoir d’une manière ou d'une autre. Je dis simplement pour le principe, cela ne doit pas se passer ainsi. Et la communauté internationale, y compris la CEDEAO, a décidé de sanctionner, de dire que le bien peut être rétabli par la force. Le mal peut être combattu par la force. Le fait de dire que nous pourrions aller par la force, c’est pour dire que si c'est un mal absolu qu'il faut combattre, nous sommes prêts à le combattre, même par la force. C'est cela la responsabilité d’un chef d'État. Cela ne veut pas dire que dans notre cœur, nous le souhaitions. Qui veut faire la guerre par le cœur, lui-même ? Envoyer ses enfants au front, juste pour le plaisir, ça n'existe pas, ça. Donc le message et la position de la CEDEAO, qui est également la position du Bénin, c'était le seul moyen dont nous disposions pour dire « plus jamais ça. » Mais personne n'avait l'intention, vraiment l'intention que les choses dégénèrent. Nous avons, par nos moyens, fait tout ce qu'on voulait pour que cela soit acté, compris par tout le monde, y compris hors du Niger. Mais au constat, bien que nous ayons fait tout ça, voilà la situation a duré des mois et les sanctions ont créé des dommages graves à nos frères et sœurs du Niger. Est-ce que nous allons dire éternellement que la situation va rester ainsi ? La responsabilité nous recommande également d'être réalistes. Nous ne sommes pas Dieu. Nous avons pu faire ce qui est de notre devoir. Après, la nature décide, Dieu décide. L’homme propose, Dieu dispose. La situation du Niger aujourd'hui, telle qu'elle est, elle s'impose à nous. Un responsable sérieux doit faire le constat et dire « ce qui s'impose à moi, j’ai tout fait pour que ce soit autrement. Je prends acte. » C’est la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui et qui s’impose à la sous-région. Et c’est ma situation. Et je dis, le temps de la condamnation, de l'exigence, des menaces est passé. Malheureusement, ça n'a pas produit l'effet qu'on souhaite, mais le peu d'effet qu'il y a eu, pour moi, aujourd'hui est peut-être suffisant pour dissuader d'autres coups d'État parce que, comme tout le monde a vu quand même que nous avons porté l'idéal le plus loin possible. Je veux espérer que, même si on n'a pas eu les effets escomptés, que notre position, notre exigence, peut être vue, désormais comme l'exigence de la CEDEAO, que nous n'allons plus passer le temps simplement à dire « ce n'est pas bien, mais on tourne la page ». C'est ça et c'est pour ça que moi, je ne rougis pas d'être dans une autre dynamique aujourd'hui, pour dire qu'on discute avec ceux qui sont là parce qu'il faut être réaliste. Je dis bon « on fait comment ? On tourne la page, on avance ». Mais quelle est votre feuille de route ? Qu’ils nous disent ce qu'ils veulent, nous allons trouver les moyens de les accompagner parce qu’après tout, c’est le pays qui compte, le Niger qui compte et il faut être réaliste. 

Ça reste donc un rétropédalage. 

Appelez-le comme vous le souhaitez. Mais si l'homme n'est pas capable de rétropédaler, alors là il se prend pour Dieu. Je veux répéter :  si l'homme n'est pas capable de rétropédaler, de se rendre compte de ses limites, de ce qu'il a fait les efforts qu'il faut, de ce qu’il a fait son devoir mais que Dieu a décidé autrement, la nature a décidé autrement ou que les peuples ont décidé autrement et qu'il faut prendre acte de cela, c’est qu’il n’est pas réaliste. Si on n'est pas capable de le faire, alors on se considère comme Dieu, et ce serait une faute. 

Que faites-vous de l'esprit de groupe par rapport à la CEDEAO ? 

C'est-à-dire ? 

Par rapport au Niger, est-ce que le Bénin affiche une position isolée ou le Bénin plaide pour que l'ensemble des pays de la CEDEAO s'aligne sur cette démarche ? 

C'est la position de la CEDEAO, celle que je viens de vous exprimer. 

Alors restons dans la sous-région tout de même pour observer que, depuis l'arrivée au pouvoir du président Tinubu, on a noté un réchauffement des relations entre le Bénin et le Nigeria. Le président Tinubu qui était d'ailleurs l'hôte de marque de la fête nationale chez nous. Vous-même êtes déjà allé au Nigeria. À quoi cela est-il dû ? Est-ce que vraiment cette embellie va durer ? 

Oui, elle va durer. Le Bénin a connu quelques difficultés relationnelles avec le Nigeria et qui ont été exclusivement induites par l'intoxication. Vous savez que le Nigeria a fermé les frontières avec le Bénin et vous savez ce qui a été à la base ? Ce sont des Béninois, des responsables politiques, des nostalgiques du passé et mécontents de l'ordre et du développement qui s’opèrent au Bénin qui, avec des personnalités de tous ordres extérieurs, sont allés dire aux autorités nigérianes que le Bénin, le régime du Bénin est devenu un danger pour le Nigeria. Le Nigeria n'a pas fermé les frontières pour une cause nouvelle de dysfonctionnement de nos relations ou bien de crise entre nos deux peuples ou de crise entre les autorités policières, douanières ou autres. Pas du tout ! C'est parce que des gens sont allés intoxiquer l'ancien président Buhari pour lui dire : « si vous fermez les frontières, en trois mois, le régime Talon va tomber » et on lui a dit : « Voilà, ce régime du Bénin fait la promotion de la corruption, de la contrebande, de ceci ou de cela ». Les gens ont dit ça sur leur propre pays juste parce qu'ils veulent faire tomber le régime. Le Président Buhari m’a exprimé ses regrets. Il ne m'a pas donné de détails parce que c'était un homme responsable. Je n'ai pas eu de détails. Mais il m'a dit ce qui s'est passé, c'est regrettable. Mais vous-même, vous ne communiquez pas assez. Et vous êtes trop timoré dans les accusations qu'on vous porte et que vous laissez faire. Les choses ont commencé à s'améliorer entre nous quand le Président Buhari a passé la main et celui-ci dans la nouvelle dynamique, a exprimé au Bénin sa volonté de bâtir quelque chose de plus durable en matière de relations. Et les discussions qui sont en cours aujourd'hui avec le Nigeria sont de nature à créer une intégration réelle entre nos deux pays. Nous sommes deux pays voisins, nous partageons la même culture du Sud jusqu'au Nord et nous sommes dans la CEDEAO, la CEDEAO promeut l'intégration régionale effective. Je crois que le Bénin et le Nigeria seront les pionniers de l'intégration réelle. Et c'est pour ça que les discussions qui sont en cours vont nous amener à opérer la réalité de la libre circulation des personnes et des biens. Et très bientôt cela va se faire. 

Monsieur le Président, dans quelques jours, nous entrons dans une nouvelle année. Comment l’entrevoyez-vous pour le Bénin au regard de l'évolution du monde ? Est-ce qu'il nous faudra faire plus d'efforts, serrer davantage la ceinture ? 

Pour moi, les années de difficultés et d'efforts sont derrière nous. Pourquoi ? Parce que c'est quand on n'a jamais fait d'efforts, que le premier pas est difficile. Donc nous n'allons pas continuer de dire : « il faut se serrer la ceinture, il faut faire des efforts » parce qu'à l'époque, nous étions dans la pagaille, dans le désordre et personne ne fait ce qui est de sa responsabilité. Je n’appelle plus ça effort, moi. Il faut voir la manière dont nous vivons aujourd'hui, la vie est bien difficile. Mais ce n'est pas parce que nous avons choisi de faire en sorte que les denrées coûtent chères. Donc, je ne demande pas ça aux Béninois. Je ne souhaite pas ça aux Béninois. Que la vie continue d'être chère, que les difficultés continuent, non, pas du tout. Les Béninois ont pris le pli déjà de travailler bien et sérieusement. 

Les Béninois payent leurs impôts de plus en plus. C'est ça la notion de l'effort. Quand vous faites ce qui est de votre devoir désormais, même si le fait de commencer, de constater qu’il y a un effort quand vous êtes dedans, vous avez pris le pli, ce n'est plus un effort, cela devient la norme. Donc, nous sommes désormais dans notre fonctionnement. Le Bénin fonctionne de manière normale. Je souhaite que cela porte ses fruits le plus rapidement possible et que ce qui est de notre devoir, de notre responsabilité, les efforts que nous faisons de manière normale, produisent des fruits assez rapidement. Et c'est à ce titre que je veux dire que pour l'année 2024, je souhaite à mes à mes concitoyens, hommes et femmes, enfants et jeunes, des personnes âgées, qu’elle soit une année féconde, une année qui apporte les fruits de nos efforts, qui nous apporte plus de sérénité, de satisfaction, nous apporte la santé, améliore notre bien-être et soit l'année où notre façon d'exister, de vivre, de cohabiter ensemble, soit des meilleurs possibles pour qu'il soit agréable pour les Béninois  de vivre entre eux, que pour les étrangers venus au Bénin, que ce soit quelque chose d'extraordinaire, ils vont trouver un environnement de paix, de sérénité, de convivialité, de sécurité. Toutes choses que les Béninois attendent de notre effort commun, c'est-à-dire un meilleur bien-être. 

2024 sera une belle année pour nous, par la grâce de Dieu, par la grâce des mânes de nos ancêtres, par la grâce de Dame Nature. C'est ma prière et je sais que de plus en plus, nous sommes exaucés. 2024 sera pour les uns et les autres une bonne et belle année et la vie sera de plus en plus belle pour les uns et les autres. 

Merci et bonnes fêtes de fin d'année. 

Merci

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